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Environ 535.000 Belges ont élu domicile à l’étranger, dont une majorité pour des raisons professionnelles.

Ingénieurs, personnel soignant, pilotes… la majorité des secteurs sont concernés.

Les motivations, elles, peuvent être diverses.

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Dans quel pays s'expatrier pour mieux gagner sa vie?
Texte
Elise Legrand, Olivia Lepropre, Kevin Dupont, Nathan Scheirlinckx, Noé Spies

Mise en page
Thomas Bernard

Le Vif - Juillet 2024

Pourquoi tant de Belges partent travailler à l’étranger?

Pour certains, c’était un rêve d’ado. Pour beaucoup, l’aboutissement d’un projet de carrière. Quelle que soit la raison, l’expatriation professionnelle a la cote auprès des Belges.

En mars 2024, ils étaient au moins 532.421 à avoir posé durablement leurs valises à l’étranger, un chiffre qui englobe également les retraités. Ce nombre ne concerne toutefois que les ressortissants inscrits dans un consulat ou une ambassade, une démarche recommandée mais non obligatoire sur le plan légal. Cette (sous-)estimation progresse chaque année, selon les statistiques du Service public fédéral Affaires étrangères. En 2017, le nombre d’expatriés belges à travers le monde s’élevait seulement à 453.000, avant de franchir la barre des 500.000 en 2022.

Le secteur de la technologie attire beaucoup de Belges, surtout aux Etats-Unis.

Une (légère) évolution dans les destinations

Au fil des années, les mêmes pays continuent de séduire les Belges. A commencer par la France, qui accueillait en 2023 quelque 145.000 ressortissants, soit plus d’un quart des expatriés (28,4%). Un choix justifié notamment par la langue et la proximité avec la Belgique, deux facteurs déterminants dans un projet d’expatriation. Logique, donc, de voir les Pays-Bas rafler la seconde place du podium, avec 42.036 Belges installés en terres néerlandaises en 2023.


Bien que la composition du Top 5 n’avait guère changé au cours des six dernières années, le classement a néanmoins connu quelques évolutions. Récemment, le Royaume-Uni (34.887 Belges en 2023) a rejoint le trio de tête des destinations préférées des Belges, en devançant l’Espagne (34.208) et l’Allemagne (29.972). La raison tient aux démarches administratives liées au Brexit: le visa étant désormais obligatoire pour les Européens souhaitant légalement s’y établir, leur recensement est dès lors plus aisé et plus précis. Hors du continent européen, ce sont les Etats-Unis qui attirent le plus, avec 29.956 Belges enregistrés en 2023, suivis par le Canada (17.036), Israël (9.468), l’Afrique du Sud (7.537) et l’Australie (6.710).

Top 20 des pays accueillant des expatrié(e)s Belges

Nom du pays
Pays expatrié(e)s Belges

Ingénieurs et personnel soignant

Que ce soit pour débuter sa carrière ou pour la redynamiser après plusieurs années au sein d’un même secteur, la proportion de Belges à travailler sous d’autres ceux est donc de plus en plus importante. Sur le plan statistique, aucun registre, chez nous, ne recense les professions qui voient le plus de travailleurs exercer à l’étranger. «En réalité, cela concerne à peu près tous les domaines», nuance Diego Angelini, conseiller expatriation à l’Union Francophone des Belges à l’Etranger (UFBE). De par son expérience, il note tout de même plusieurs tendances: «Les ingénieurs sont souvent ceux qui partent le plus, quelle que soit leur spécialité, car leur profil est très recherché.» Les métiers médicaux –infirmiers, kinés, sages-femmes…– s’expatrient également sans trop de difficultés (avec une préférence pour la France et les territoires d’outre-mer) en raison des pénuries criantes de ce type de main-d'œuvre à l’étranger. «De nombreux pilotes d’avion belges ont également récemment émigré aux Emirats ou en Chine», complète Diego Angelini. Enfin, le secteur de la technologie attire beaucoup de Belges, surtout aux Etats-Unis.

750permis de travail sont attribués annuellement à des Belges au Canada.

La météo plus que le salaire?

Logiquement, les motivations financières entrent en ligne de compte dans un projet d’expatriation. Même si les barèmes salariaux vont souvent de pair avec le coût de la vie, les avantages fiscaux dans certains pays, comme au Luxembourg, ne sont pas non plus négligeables. Mais l’attrait pécuniaire n’est pas l’unique facteur à peser dans la balance.

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De nombreux Belges, lassés par la pluie et la grisaille, se laissent séduire par des conditions de vie plus agréables, notammentsous les tropiques. «La majorité des infirmières qui partent travailler en Martinique ou à La Réunion ne s’y installeraient pas s’il y faisait moche», sourit Diego Angelini. Avec l’essor du télétravail, de nouvelles destinations exotiques gagnent également le cœur des Belges, comme le Costa Rica ou le Cap Vert, la maîtrise de la langue locale ne conditionnant pas l’expatriation des digital nomads.

Toutefois, le projet professionnel reste généralement le facteur le plus déterminant. «L’innovation de certains chantiers à Dubaï, par exemple, attire de nombreux ingénieurs en quête de nouveaux défis. Sans parler des coopérants, qui ne se rendent évidemment pas à Gaza, en RDC ou en Irak pour l’argent ou la météo. Pour eux, seul le dévouement compte.»

Pour beaucoup, l’aspect découverte fait aussi fantasmer. «D’année en année, les pays qui font rêver les jeunes n’ont pas changé: les Etats-Unis, le Canada, l’Australie ou encore la Nouvelle-Zélande reviennent sur toutes les lèvres, note le conseiller à l’UFBE. Or, ce sont ceux qui affichent les conditions d’expatriation les plus strictes.» Ces destinations pratiquent généralement l’immigration choisie et sélectionnent uniquement les profils professionnels qui les intéressent. Victimes de leur succès, ces pays ont également imposés des quotas pour les permis vacances travail (PVT), réservés aux jeunes de 18 à 30 (voire 35) ans. Au Canada, 750 PVT sont attribués aux Belges annuellement. Passé ce plafond, les vannes se referment. «Bref, un rêve d’expatriation à Sydney peut rapidement se transformer en un voyage de consolation à Carcasonne», caricature Diego Angelini.

5 conseils pour réussir son expatriation professionnelle

1. Choisir le pays adapté à son métier. La première étape est de vérifier si son diplôme y est reconnu et se renseigner sur l’état du marché du travail local, les pénuries ou les éventuels quotas. «Tout travailleur peut s’expatrier à condition qu’il aille au bon endroit», résume Diego Angelini, de l’UFBE.

2. Se plier aux exigences administratives. Un permis de travail est-il requis? Un visa? Un passeport? Une fois le départ confirmé, respecter les obligations belges, à savoir la radiation à la commune et l’inscription à l’ambassade ou au consulat belge local.

3. Se renseigner sur la sécurité sociale. Si le régime belge est très avantageux, à l’étranger, surtout hors de l’Union européenne, il confère généralement moins de protection. Mieux vaut en tenir compte dans son budget mensuel ou dans ses négociations salariales avec un futur employeur.

4. Garder un œil sur la fiscalité. Le régime fiscal varie fortement d’un pays à l’autre. Ne pas hésiter à vérifier si la Belgique a conclu une convention fiscale avec le pays d’accueil pour éviter la double imposition.

5. Se faire accompagner.Chaque projet d’expatriation est différent en fonction du pays, du métier exercé et du statut envisagé.

Les destinations à privilégier selon ces dix professions

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1. Comptables: London calling

En Belgique, la rémunération annuelle des 56.494 comptables (chiffre Statbel) oscille entre 53.000 et 155.000 euros selon le statut et le nombre d’années d’expérience, selon les données de l’agence Robert Walters, spécialisée dans le recrutement et active dans une trentaine de pays. Une jauge salariale similaire à celles des pays limitrophes que sont la France, les Pays-Bas et l’Allemagne.

Au Royaume-Uni, «berceau des comptables», Londres figurant parmi les plus grandes places financières mondiales, les opportunités d’emploi sont légion, et les salaires compétitifs. Un comptable avec moins de trois ans d’expérience peut y prétendre à plus de 70.000 euros annuels. Et jusqu’à 200.000 euros plus tard dans la carrière.

Leur mobilité internationale rencontre toutefois un obstacle majeur: «Travailler à l’étranger n’est pas évident, car les normes comptables locales peuvent fortement varier, rapporte Marie Parmentier, chargée du scanning des profils financiers chez Robert Walters. Peu sautent le pas, hormis quelques échanges entre la France et la Belgique.» Une tendance confirmée par Hugues Sorée, gérant de la société de consultance LUG Management: «La législation belge est très particulière. Pour exercer dans un autre pays, il faut quasi refaire toute une formation.»

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2. Infirmier(e)s: le coucou suisse

S’ils ont l’assurance de trouver un emploi dès la fin de leurs études, de nombreux diplômés en soins infirmiers tournent le dos aux hôpitaux belges. Direction, notamment, les pays frontaliers. Mais c’est surtout la Suisse qui attise les convoitises.

Bryan, Bruxellois de 31 ans, s’est laissé tenter par l’aventure helvète. «Les conditions y sont clairement plus favorable. Le temps de travail, surtout, est différemment organisé.» Si les gardes y durent 12 heures, les jours de congé et de récupération y sont plus nombreux. «Un temps plein en Suisse est moins lourd à prester», assure Bryan. Alix, 27 ans, n’a pas non plus hésité longtemps. «En Suisse, une infirmière gère au maximum cinq patients, en Belgique, ce nombre peut être deux à trois plus élevé. La charge de travail est donc nettement différente.» Tout comme le salaire net: plus de deux fois supérieur à la rémunération belge. A Bruxelles, Bryan gagnait 2.200 euros net, en Suisse, 5.000 francs net, soit environ 5.200 euros. «Certes, la vie est plus cher en Suisse, mais on est tout de même gagnant.» Alix confirme les chiffres: «J’ai plus que doublé ma rémunération.»

La Suisse propose aussi davantage de formations, payées et intégrées au temps de travail, et les opportunités d’évolution de carrière y sont aussi plus nombreuses. La Belgique offre toutefois un avantage, selon Alix: «Comme on est davantage livré à nous-même, on apprend plus vite, ce qui décuple la confiance. Toutefois, travailler 40 ans dans les conditions belges me paraît impossible.»

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3. Informaticiens: la belle vie en Thaïlande

Dans les classes de l’école privée Epitech Brussels, les étudiants rêvent souvent d'ailleurs. «Ils sont au courant de la pénurie d'informaticiens partout dans le monde; où qu'ils aillent, ils trouveront de l’emploi, résume François Blondeau, le directeur. La mobilité est une réelle spécificité de notre métier. Les informaticiens veulent souvent être indépendants, et tant qu'ils ont une connexion Internet, ils ont accès à tout. Donc oui, beaucoup s’expatrient.» Un peu partout.

«Environ 5% de nos élèves choisissent la Thaïlande. Ils y travaillent pour des sociétés européennes, avec des salaires de base aux alentours de 3.000 à 4.000 euros. Vu le faible coût de la vie sur place, ils peuvent mener la belle vie.» D’autres optent pour des pays où la qualité de vie est très élevée et la fiscalité avantageuse, comme le Luxembourg. «Beaucoup s’en vont également en Suisse ou au Canada, des destinations davantage “exotiques” mais toujours francophones.»

Les «vrais geeks», comme les appelle François Blondeau, partent pour la Silicon Valley. L’accomplissement d’un rêve, même si y créer son entreprise n’est pas toujours facile. «La pression sur les profils et les salaires y est très élevée, donc il est difficile pour une start-up belge de s’y installer, observe Patrick Mark, directeur de la Fédération des métiers du Web (FeWeb). Quant à l’Inde, la différence culturelle y est telle qu’elle peut empêcher la bonne coopération entre travailleurs. Certain préfèrent dès lors partir vers des pays membres de la francophonie, comme le Maroc ou Madagascar.»

Le nouveau régime fiscal en matière de droits d’auteur aurait encore accentué la fuite des cerveaux, selon Patrick Mark. Plus grand-chose ne semble retenir les informaticiens belges. A ceux qui veulent s’expatrier, François Blondeau conseille de «foncer. C’est bon pour le CV. Et si par la suite vous souhaitez rentrer, trouver un boulot ne sera pas un problème.»

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4. Vétérinaires: la France met le paquet

Qui part, qui reste? L'Union professionnelle vétérinaire (UPV) réalise régulièrement des coups de sonde auprès des jeunes diplômés en Belgique francophone. «Une part non négligeable s’expatrie», estime Bernard Gauthier, coprésident de l’UPV. L’exode le plus massif a lieu vers l’Hexagone.

«La France connaît une pénurie de vétérinaires et recrute chez nous depuis longtemps, ajoute Bernard Gauthier. D’ailleurs, ceux qui y sont installés viennent à leur tour chercher des remplaçants en Belgique. De plus, des aides à l’installation existent, notamment dans les régions rurales où le manque est le plus criant. Des départements subventionnent même les études de ceux qui s’engagent à y travailler.»

Céline s’est installée dans le sud de la France voici quelques années. Pour la météo… et les euros. «Les directeurs de clinique essaient d’attirer avec des salaires attractifs. La grande différence avec la Belgique est la convention collective qui assure un salaire minimal légal en fonction des diplômes et des années d’expériences.» Avec aussi plus de choix sur le statut, salarié ou libéral. «En Belgique, la demande est plus élevée que l’offre. Avec pour conséquence une rémunération pas très avantageuse. Puis c’est du salariat déguisé, un statut d’indépendant avec tous les désavantages, sans les avantages.»

Les Français emploient les grands moyens pour séduire les recrues noire-jaune-rouge. «Avant, remarque Bernard Gauthier, les offres d’emploi se résumaient à trois lignes. Aujourd'hui, c’est une page, vantant les attraits extraprofessionnels, le cadre de vie…»

Le cadre de vie, c'est aussi ce qui explique le succès de l’outre-mer français. Avec néanmoins un certain turnover: «Après quelques années à La Réunion, par exemple, beaucoup rentrent en Belgique ou s’installent en métropole. Quelques-uns partent au Canada ou au Royaume-Uni, mais cela reste marginal.» Bernard Gauthier trouve cette fuite des talents «dramatique. Surtout au vu des pénuries de praticiens que la Belgique connaît aujourd’hui.»

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5. Ingénieurs: le monde est à eux

Dubaï, Etats-Unis, Thaïlande… Demandés aux quatre coins du globe, les ingénieurs ont l’embarras du choix. Et nombreux sont ceux qui ont envie d’ailleurs bien que les postes ouverts en Belgique dépassent de loin le nombre de candidats. Ce n’est pourtant pas faute de salaires alléchants. Minimum 65.000 euros annuels pour le poste le moins bien payé, selon le registre des salaires 2024 de l’agence Robert Walters. Et plus de 100.000 euros pour les ingénieurs aux postes managériaux.

«En général, ceux qui s’expatrient optent pour des pays lointains et une durée de trois à cinq ans, précise Julie Tunali, en charge du recrutement des ingénieurs chez Robert Walters. Ils cherchent à faire décoller leur carrière, en décrochant là-bas des postes inatteignables en Belgique.»

«Un ingénieur en mécanique en Californie gagnait, en 2024, plus de 110.000 euros par an.»

En 2019, Simon Nyssen quitte la Belgique pour s’installer aux Etats-Unis. «Le plan de base était d’y rester deux ou trois ans, car à poste équivalent, on y gagne davantage qu’en Belgique», témoigne-t-il. En octobre prochain, cela fera cinq ans que Simon y est installé, aidé par une rencontre amoureuse. «J’ai un meilleur revenu aux USA, mais certains coûts sont élevés, comme les frais médicaux.» A titre d’exemple, un ingénieur en mécanique en Californie gagnait, en 2024, plus de 110.000 euros par an. Pour les chefs de projet, l’évolution salariale peut s’élever jusqu’à 200.000 euros par an, voire plus. D’autres profils, notamment dans le secteur pétrolier, privilégient la Norvège, où le secteur tente d’attirer les talents… par l’argent.

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6. Kinés, sous les palmiers

«Le week-end, on se sent en vacances. Cela change complètement la vision du travail.» Soigner la semaine, profiter des plages de La Réunion les samedis et dimanches. Comme beaucoup d’autres kinés, Marie a choisi de s’installer sur une île française. Réunion, Martinique, Guadeloupe… attirent les Belges depuis plusieurs années. Aussi pour leur taxation moins élevée. «En tant que kiné indépendante, les séances sont un peu moins bien rémunérées en France, mais dans les îles, il existe un abattement de 30% d’impôts les premières années. C’est là que cela devient intéressant», glisse la jeune femme.

«Ce n’est toutefois pas là qu’ils feront fortune», tempère Manuel Jacquemin, président de l’Union des kinésithérapeutes de Belgique (UKB). Même si la France, en pénurie de kinés offre parfois un logement temporaire à ceux qui souhaitent s’y installer. La Suisse et le Luxembourg sont bien plus avantageuses pécuniairement. Et les infrastructures y sont également meilleures.

30%d’abattement fiscal sont accordés les premières années aux kinés qui s’installent en outre-mer.

Frédérique, elle, a fait le choix du Canada, plus précisément du Québec, en 2006. La pratique y est différente. «Je travaille sans prescriptions médicales et j’émets des reçus pour les compagnies d’assurances privées. Le tarif s’élève, en moyenne, à 60 à 80 dollars canadiens l’heure (40 à 55 euros), il n’y a pas de barème, on demande ce qu’on veut. Et on a le droit de faire de la publicité. Fiscalement, il n’y a pas de lois sociales, seulement des impôts.»

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7. Médecins: du Luxembourg aux Caraïbes

La Belgique est le deuxième pays européen –proportionnellement à sa population– à former le plus de médecins, derrière le Danemark. Pourtant, elle se situe 30% sous la norme européenne en nombre de médecins recommandé pour la tranche d’âge des 25-35 ans. «Durant les cinq premières années d’exercice, 20% des médecins abandonnent le métier ou quittent le pays», déplore Luc Herry, président de l’Association belge des syndicats médicaux (Absym).

Trois raisons expliquerait la soif d’ailleurs. «Un: la volonté d’exercer une médecine plus humaine, éloignée des hôpitaux, avec des prises en charge médicales plus intéressantes. Deux: profiter d’un salaire moins imposé. Trois: bénéficier d’une certaine flexibilité en début de carrière, en réalisant, par exemple, des remplacements dans divers pays», énumère Luc Herry.

L’Absym craint que le taux d’imposition élevé belge accentue encore l’exode. Pas besoin d’aller très loin: la France offre de sérieux arguments. «Les médecins généralistes y  gagnent 26 euros par consultation. Les Belges, 32. Or, pour le même nombre de consultations, le médecin français percevra un revenu net supérieur au belge, car largement moins imposé.» Le Luxembourg a aussi la cote: les consultations des généralistes atteignent aisément les 50 euros, avec un taux d’imposition moitié moindre qu’en Belgique.

Mais ce sont surtout les îles françaises d’outre-mer qui se taillent la part du lion. Il y a quatre ans, Noémie, 31 ans, s’est envolée pour la Martinique. «A la fin de mon assistanat, j’ai ressenti le besoin de voyager, de voir autre chose. Je pensais rester un an. Très vite, j’ai adoré la vie sur l’île, le climat et les conditions de travail.» Au point que désormais, elle s’imagine mal replonger dans la grisaille belge. «La qualité de vie est bien supérieure en Martinique. Je fais des horaires moindres pour un meilleur salaire, résume-t-elle. Ici, les shifts sont optionnels, et très bien rémunérés.»

Autre bonus proposé par l’île des Caraïbes: une majoration de cinq euros par consultation est octroyée aux médecins prenant en charge les enfants de moins de 6 ans. Une mesure inexistante en Belgique. «Et j’en soigne beaucoup!», conclut la jeune médecin.

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8. Profs: tous frais payés en Afrique

Une fois son agrégation d’histoire en poche, Renaud a fait face à la dure réalité du prof débutant. Remplacements, attentes d’un poste stable… Il reçoit alors une offre: travailler dans une des «écoles à programme belge» en Afrique.

A Lubumbashi, Renaud a a priori tout ce qu’il pouvait espérer. Globalement, le salaire est le même qu’en Belgique. Mais puisqu’il preste davantage d’heures, il gagne, in fine, plus. Et avantage non négligeable: le logement est offert.

Clément(*), passé par plusieurs de ces écoles belges à l’étranger, confirme: «J’ai pu économiser et cela a permis d’assurer ma sécurité financière, ce que n’offraient pas les remplacements en Belgique.» Revers de la médaille: l’ancienneté de ceux qui ne sont pas nommés n’est pas prise en compte. «Je me souviens d’une dame qui est rentrée en Belgique après 20 ans, raconte Clément. Elle s’est retrouvée avec un salaire de 1.600 euros…»

Laurence Bodson a suivi une tout autre voie. Cette Liégeoise a travaillé dans une école maternelle et primaire privée en Turquie. Puis elle fut invitée à travailler en Azerbaïdjan où elle a enseigné au petit-fils du président Ilham Aliyev. Logement gratuit, repas et transports payés... «Très intéressant, mais beaucoup de pression», avoue-t-elle. Après un passage par l’Autriche, elle est désormais professeure de français dans une école en Suisse. Pour sa qualité de vie, ses bons revenus et la facilité de trouver un poste, à condition de parler l’allemand. «Les opportunités à l’étranger pèsent vraiment dans un CV et ouvre des portes.»

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9. Psychologues: ailleurs, c’est mieux

Forcément, la langue est un élément déterminant dans le choix d’une destination d’expatriation. «En Wallonie, les gens se dirigent plus facilement vers le Luxembourg ou la Suisse francophone. Les Néerlandophones, vers les Pays-Bas. Les Germanophones, en Allemagne», liste Quentin Vassart, président de l’Union professionnelle des psychologues cliniciens francophones (UPPCF).

En Belgique, la rémunération d’un psy oscille entre 50 et 100 euros la consultation d’une heure. Un tarif qui n’est pas soutenable, selon Laetitia, 43 ans, partie aux Etats-Unis plusieurs années. «Pour trouver du travail, tout court.» De par son expérience (elle exerce aujourd’hui en Allemagne), Laetitia estime que les conditions de travail ne sont pas toujours meilleures ailleurs. «La différence majeure réside dans la taxation.»

En comparaison, le tarif pour une consultation en Allemagne s’élève à 90 euros ou plus. Aux Etats-Unis, elle dépasse les 100 dollars de l’heure. Avec une taxation moitié moindre qu’en Belgique. Où le faible remboursement des soins (20 euros par séance maximum) force les psy à adapter leurs tarifs à la baisse pour maintenir la consultation accessible.

Géraldine, psychologue clinicienne, a d’abord exercé en Brabant wallon et à Bruxelles. Après trois ans, elle décide de s’expatrier en Côte d’Ivoire et vit aujourd’hui en Ouganda. Sur le continent africain, elle a toujours trouvé du travail facilement. «En Belgique, la concurrence est forte, remarque-t-elle. Et lorsqu’on exerce dans une institution, il est difficile de pouvoir négocier un salaire correspondant à sa formation.»

Les horaires en Afrique permettent aussi une grande flexibilité, un rythme de vie assez agréable et une charge administrative moindre. «A l’étranger, le manque de psychologues débouche sur une plus grande offre et permet d’exercer dans plusieurs domaines, avec une patientèle variée. Tout est plus humain.»

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10. Métiers de la finance: l’indétrônable Luxembourg

Les métiers de la finance font souvent la part belle aux carrières internationales. Pour les Belges, pas besoin d’aller bien loin: le voisin luxembourgeois paie souvent mieux. En septembre, Laura commencera à travailler en tant que conseillère fiscale dans une entreprise installée au Luxembourg. «J’y ai effectué mon stage. Là-bas, la rémunération de ce type d’expérience professionnelle est une obligation légale.» Le salaire attractif et une meilleure perspective de congés ont ainsi dicté son choix. «On m’a proposé un contrat en Belgique, mais le salaire était quasi deux fois moins élevé, même si je pouvais bénéficier d’une voiture de société.»

«En Belgique, mon salaire aurait été quasi deux fois moins élevé, même avec une voiture de société.»

Guy, employé dans une société de consultance au Grand-Duché, n’a pas non plus hésité à franchir la frontière il y a quelques années. «Mon diplôme en poche, on m’a proposé un CDI chez Deloitte. Mes proches m’avaient parlé des salaires là-bas, j’ai foncé.» En 2022, il quitte le club des Big Four –Deloitte, EY, KPMG et PwC– pour l’entreprise qui l’emploie actuellement. Moins connue, mais plus rémunératrice. «Bosser cinq ans dans mon domaine au Luxembourg permet d’atteindre les 5.000 euros net par mois assez rapidement, commente-t-il. Ce qui est plus rare en Belgique.» Mais la médaille a un revers. Conscient du coût exorbitant de la vie luxembourgeoise, celui qui réside désormais à Arlon compte revenir travailler en Belgique à l’automne.

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